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Manager Qualité 2.0

Avant-propos
Petit récit sur l’exemplarité…

L’exemplarité ne se décrète pas…

Je sors de ce séminaire sur le thème de l’éthique et des valeurs dans l’entreprise avec de nombreuses interrogations. Le Master « Manager QSE » de l’ESQESE (Université Catholique de Lyon) débute par cette réflexion participative (étudiants / enseignants) sur une thématique forte loin de toute approche méthodologique. Une réflexion qui permet de s’interroger sur la posture du Manager QSE dans les organisations pour s’assurer d’un parfait alignement entre les paroles et les actes. Les étudiants planchent sur les valeurs essentielles d’un Manager QSE. Des groupes sont organisés. Des réflexions sont lancées. Les conclusions sont présentées et il ressort un consensus commun : le Manager Qualité doit être exemplaire. C’est une évidence pour ces étudiants qui vont devenir les Managers Qualité de demain. L’exemplarité est une valeur clé. Je m’interroge. Je prends du recul. Je sors virtuellement de cette classe pour passer en revue mes 18 années d’expérience professionnelle dans le domaine de la Qualité.

Peut-on dire que les Responsables Qualité d’aujourd’hui sont exemplaires ? Difficile de répondre à cette question de manière globale sans définir la notion d’exemplarité pour la fonction. Être exemplaire, voilà un véritable challenge qui dépasse le stade des méthodes et des outils. L’exemplarité va beaucoup plus loin. Cela touche également les valeurs, les comportements et les attitudes. La performance d’un Manager Qualité ne s’évalue pas uniquement sur un savoir, sur des connaissances techniques ou réglementaires, sur l’obtention d’une certification, sur la maîtrise d’un système… La performance s’évalue aussi (et surtout) sur une capacité à générer une dynamique de progrès permanent partagée par tous dans les organisations en déployant des valeurs en parfait alignement avec ses actes Et c’est bien là une évidence, nous sommes en permanence « jugés » par les autres sur nos actes, nos réalisations, nos productions. Il ne suffit pas de maîtriser un discours pour être crédible. Tout décalage entre les mots (les intentions) et les actes (les faits) est une politique à court terme destructrice car la supercherie sera rapidement perçue par les autres. Il est dangereux de croire que l’on peut se cacher derrière des mots, des phrases, des paroles, un discours,…. Ainsi, l’exemplarité ne se décrète pas, elle se construit jour après jour, acte après acte, progrès après progrès,…

Le temps du changement est arrivé…

Donc, le Manager Qualité doit être exemplaire, c’est une évidence. Mais comment définir cette exemplarité ? Comment matérialiser un concept en actes concrets ? Comment évaluer « l’exemplarité » et sur quels thèmes ? Cet ouvrage va vous donner des éléments de réponse pour le Manager Qualité de demain. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une « recette de cuisine » où il suffit d’appliquer les ingrédients dans un ordre logique pour réussir. Le débat se situe à un autre niveau. Il doit permettre de vous interroger sur vos pratiques, vos comportements, vos attitudes,… et cela en dehors de vos compétences techniques. Cette introspection personnelle va permettre d’alimenter votre réflexion et parfois même de remettre en cause vos propres modes de fonctionnement. Des paradigmes risquent d’être chahutés. La fonction Qualité va devoir évoluer pour suivre le rythme du changement imposé par l’environnement. Elle ne peut rester statique dans un environnement mouvant et chaotique. Elle ne peut défendre seule son territoire face aux nouvelles préoccupations des organisations. Elle ne peut se cacher en permanence derrière une norme. Elle doit avoir le courage d’affronter les nouvelles réalités socio-économiques. Elle est soumise aux mêmes contraintes et ce n’est pas une norme (ou tout autre référentiel) qui doit l’empêcher de vivre sa propre révolution. Le temps du changement est arrivé pour assurer la pérennité de la Qualité dans les organisations. Le temps du discours est terminé, il faut passer désormais aux actes. Il faut développer un véritable instinct de survie pour que les dirigeants comprennent enfin les véritables enjeux de la Qualité dans les organisations. Il faut sortir du « paraître » (la vitrine) pour passer au stade de « l’être » (la réalité). Le monde change à un rythme effréné, le rythme du changement s’accélère. La Qualité est condamnée si elle ne sort pas de son positionnement actuel. Elle doit être source de valeur ajoutée et non pas uniquement de contraintes, elle doit être un centre de profit et non pas un centre de coût, elle doit être branchée sur toutes les parties prenantes et non pas uniquement sur les clients, elle doit être compétitive et pas simplement efficace, elle doit être agile et pas simplement rigoureuse,…. Autant de nouveaux facteurs qui impactent la fonction Qualité de demain. Avec une telle complexité, l’exemplarité revêt une extrême fragilité. Elle est en permanence soumise à de nombreuses pressions. Il faut être en permanence vigilant pour s’assurer de cet alignement entre des valeurs, des paroles et des actes.

Le changement et l’exemplarité : un combat quotidien…

Je m’interroge moi-même sur mon exemplarité et sur ma capacité à maintenir en permanence une cohérence dans la mise en pratique de ce triptyque (valeurs, paroles et actes). Mon expérience prouve qu’il est souvent difficile de vouloir faire preuve d’exemplarité. Il s’agit d’un combat quotidien. En tant que consultant, je me dois lors de chaque intervention d’être exemplaire dans mes actes au regard de mes valeurs. Je suis en permanence vigilant pour maintenir cet alignement. Par exemple, je fais de la simplicité une réelle valeur. J’ai souvent l’occasion de débattre autour de ce thème pour motiver, argumenter et défendre cette valeur. Mais suis-je toujours capable de la mettre en pratique ? Mes préconisations et mes actes sont-ils toujours en cohérence avec cette valeur ? Puis-je me considérer comme exemplaire ? Je n’en suis pas certain et certaines situations me remettent face à la réalité. Il m’arrive d’être pris en flagrant délit « d’inexemplarité » et d’entendre de mes clients : « votre idée est intéressante mais pas réalisable (ou irréaliste) dans notre organisation ». Cette réaction résonne en moi comme un défaut d’alignement mais qui en réalité m’aide à progresser. Il faut que je réduise l’écart type entre mes valeurs, mes propos et mes actes. Il faut que je continue à pratiquer, à m’entraîner en sachant que la partie invariable (le socle) reste les valeurs qui doivent dépasser les phénomènes de modes.

Ainsi, ces étudiants, ces futurs Managers Qualité, sont parfaitement conscients des enjeux de leur futur métier. Ils perçoivent une valeur essentielle qu’ils doivent travailler, mettre en œuvre, orchestrer tout au long de leur carrière professionnelle pour acquérir la confiance des autres. Ils savent qu’ils doivent avoir une certaine aura dans l’entreprise et être respectés pour ce qu’ils sont ou plus exactement ce qu’ils font. Ils (leur génération) savent que le respect n’est pas seulement une question de place dans la hiérarchie ou de compétences techniques, le respect s’acquiert aussi par cette exemplarité. Le Manager QSE doit ainsi être exemplaire. C’est une évidence, une certitude, une conviction. On ne peut pas demander aux autres ce que l’on est incapable de s’appliquer à soi-même. C’est le b.a.-ba de la fonction. Et pourtant, il existe de nombreux contre-exemples dans les organisations qui prouvent que c’est souvent « le cordonnier le plus mal chaussé ». Le Manager Qualité n’est pas toujours le modèle à suivre en termes d’organisation personnelle du travail, d’efficacité, de pragmatisme, de réalité opérationnelle, d’enthousiasme, d’écoute des clients (interne/externe), de créativité, de force de proposition,… Bien entendu mes propos ne visent personne en particulier mais sont un point fondamental pour la pérennité de la Qualité. En effet, la Qualité dans une organisation est souvent apparentée, à tort ou à raison, à la personne qui la représente car celle-ci va construire un système qui est à l’effigie de sa personnalité et de ses valeurs. Lors de mon expérience professionnelle, il m’est arrivé à maintes reprises d’auditer (ou de découvrir) des Systèmes Qualité à faible valeur ajoutée, sans âme, peu orientés vers les utilisateurs, sans véritable raison d’être,… Je ne cherche pas ici des coupables car généralement cette situation provient de nombreux facteurs (internes et externes) : une Direction peu motivée par la Qualité, des collaborateurs dans une logique d’écoute (une forme de politesse vis-à-vis de la Qualité) et non pas d’actions, des clients avec d’autres priorités (économiques, délai, réactivité, innovation,…), …

En route pour le 2.0…

Une telle situation draine une image négative de la Qualité dans toute l’organisation et de ce fait devient le symbole de l’inutile, de la contrainte, de la paperasserie, du paraître,… Un positionnement loin des préoccupations de la Direction et des acteurs de l’entreprise. Alors, il faut que la fonction Qualité évolue pour montrer une autre image d’elle, même si parfois on souhaite la réduire à sa plus simple expression. Une image plus moderne dans l’ère du temps. Il faut désormais déployer une Qualité plus agile, une Qualité plus innovante, Une Qualité 2.0 qui dépasse des exigences normatives pour retrouver du sens, de l’ouverture, de la fonctionnalité…

Le Manager Qualité de demain sera exemplaire ou il sera condamné à disparaître. Une exemplarité qui dépasse le simple stade des connaissances (les savoirs) et qui concerne aussi les attitudes, les comportements et les valeurs. L’entreprise devient 2.0 c’est une certitude. Un réflexe de survie pour s’adapter à son nouvel environnement. On ne manage plus aujourd’hui une organisation avec les « recettes du passé ». La « génération Y » est bien présente dans toutes les organisations et il faut en tenir compte pour attirer « de nouveaux talents ». Bien entendu, on peut passer énormément de temps sur les aspects négatifs de cette génération du « zapping ». On peut regretter le temps d’avant où tout fonctionnait de « haut en bas » avec un respect de la hiérarchie. On peut regretter le temps où l’on avait le temps de réfléchir et de mûrir longuement une décision avant de s’engager. On peut avoir de nombreux regrets sur le passé mais on peut aussi trouver au sein de ces changements structurels de véritables opportunités de progrès. Comme tout changement de cette nature, il y aura toujours des opposants qui se mettent en position défensive en prétextant « c’était mieux avant ».

Puis, il y a les autres, ceux qui décident de suivre, de monter dans le « train du changement », ils veulent être dans le « peloton » voire même en avance sur le « peloton ». Alors, ces « mutants » se renseignent, s’auto-alimentent d’informations via internet, suivent des formations innovantes,…. Ils poursuivent tout un cheminement intellectuel qui leur permet progressivement de changer d’ère, de changer de façon de penser, de faire évoluer des paradigmes. Alors l’entreprise 2.0 n’est plus simplement un modèle virtuel, elle devient une réalité qui se caractérise par sa capacité à tendre vers l’intelligence collective, à faire preuve de flexibilité dans les modes de management, à privilégier un nouveau rapport avec l’information, à décentraliser la prise de décisions, à utiliser les nouvelles technologies à fort producteur de contenus,….L’entreprise 2.0 est avant toute chose une question de culture, de management et d’usages plutôt que d’outils informatiques. Il ne suffit pas d’installer des applications informatiques collaboratives pour que les employés participent. Cette erreur est fréquente dans les organisations, on pense d’abord outil/solution (la partie visible) avant même de s’intéresser au changement de culture. Vouloir instaurer du collaboratif dans une entreprise où l’information est signe de pouvoir est un combat perdu d’avance. Vouloir faire du 2.0 dans une entreprise qui manage comme au siècle dernier a peu de chance de séduire la « génération Y ». Vouloir fonctionner en réseau en conservant des frontières cloisonnées entre les services a peu de chance d’aboutir. C’est une certitude. Penser 2.0 ne se décrète pas, cela se construit progressivement. Cela part d’une volonté que l’on transforme en projet, puis quand les actes sont en cohérence avec la volonté alors on peut de nouveau parler d’exemplarité.

De l’entreprise 2.0 doit naître la Qualité 2.0. Le Système de Management Qualité 1.0 était privé, isolé et rigide : le SMQ 2.0 doit être ouvert accessible et accueillant. Un changement de statut qui passe inéluctablement par un changement de posture Le Responsable Qualité d’hier devient le Manager Qualité 2.0…